A la seconde où Nuage de Sucre avait apprit qu'il aurait bientôt son premier entrainement au combat, il avait sut, au plus profond de son être, que le paradis terrestre existait bel et bien.

Il lui semblait chaque jour faire des progrès phénoménaux, même s'il n'avait encore eut que peu d'entrainements. Il avait déjà assisté à une assemblée de Pleine Lune, avait chassé avec des Guerriers et avait même affronté son lieutenant pour défendre l'honneur de son mentor. En somme, il ne lui restait plus qu'a apprendre l'art du combat pour être un chat accomplis et cette nouvelle ne pouvait le mettre plus en joie. Car être un chat accomplis, cela signifiait avoir enfin le droit de courtiser les jolies minettes qui partageaient sa tanière. Et pour ça, il n'avait pas perdu de temps. La nouvelle tout juste annoncée, il avait foncé le clamer haut et fort à tous les apprentis qu'il serait bientôt un fier et fort guerrier. Il s'était vanté ainsi toute la soirée et avait remis cela au matin.

Il se trouvait du côté de sa tanière, dans un petit recoin que les apprentis les plus âgés fréquentaient souvent pour manger en toute tranquillité. Il avait apporté un lièvre à l'une des novices, Nuage des Fougères, et bavardait avec elle depuis plusieurs heures, au point qu'il en ait oublié le fameux entrainement. Ce fut le soleil, déjà haut dans le ciel, qui le rappela à l'ordre en caressant sa fourrure blanche d'un chaud rayon de lumière. Nuage de Sucre s'empressa de lécher l'oreille de sa compagne de repas et fila à tout allure jusqu'au ruisseau à moitié gelé qui traversait le camp. Il marqua un arrêt et chercha son mentor des yeux. Il le trouva près du tas de gibier et se hâta à toute allure d'aller le rejoindre.

— Salutations Rêve de Chouette, pardonne-moi, je suis encore en retard, miaula-t-il en prenant un air penaud.

Nuage de Sucre n'eut même pas le temps de se réjouir d'aller à la plaine des Aigles que son mentor s'était engouffré vers la sortit et cavalait à un rythme effréné dans les plaine. Le jeune chat effectua un petit bond et fonça à sa suite, galopant de toutes ses forces pour rattraper son ainé comme il le pouvait. Il avait encore grandit depuis la dernière fois, ses pattes commençaient à être plus solide, son coeur plus endurant. Il n'eut pas trop de mal à tenir la distance, mais ce fut la pente jusqu'au surplomb herbeux qui eut raison de lui.

Lourd comme il l'était, grimper jusqu'à la plaine lui semblait être comme tirer un rocher en s'appuyant sur le bout des griffes. Le sol était meuble, il dérapait, plus d'une fois il se prit la terre dans les crocs et le menton et plus d'une fois il lui sembla patiner sans arriver à avancer de la moindre épaisseur d'oreille. Il parvint enfin à s'agripper aux touffes d'herbes vertes et se tira sur la Plaine en soufflant comme l'un de ces animaux énormes et cornus qui broutaient dans les Prés Bipèdes. Haletant, il resta allongé un instant pour reprendre son souffle et calmer un peu les battements de son coeur. Le sang pulsait dans tout son être, douloureux comme des braises, mais il se sentait plus heureux que jamais. L'effort physique, il n'y avait que ça de vrai !

Il se redressa et s'ébouriffa pour débarrasser son pelage blanc de la poussière qui s'y était collée. Par chance, le sol n'était pas trop humide ou il se serait retrouvé aussi brun qu'un chat noir. Il voulut rester sur ses pattes, mais elles ne semblaient pas d'accord avec lui et il se retrouva bien vite assis, son souffle toujours haché, avec juste la force de miauler :

— Je t'attaque en premier ?

Rêve de Chouette regarda son apprenti d’un air critique alors qu’il arrivait devant lui, notant son air épuisé et la façon dont il s’était laissé tomber dans l’herbe. Le jeune chat blanc avait fait des progrès à la course, mais Rêve de Chouette allait tout de même devoir intensifier l’entrainement.

Nuage de Sucre trouva quand même la force de miauler malgré son souffle court.
-          Je t'attaque en premier ?
-          Bonne idée, répondit le guerrier. Tu as le droit de faire tout ce que tu veux pour me faire mordre la poussière. Ne te retiens pas, tu auras besoin de toutes tes capacités si tu vux espérer me toucher.

Tout en parlant, Rêve de Chouette avait reculé de quelques pas, pour se trouver à une distance respectable de Nuage de Sucre. Puis il pointa les oreilles en avants, attentif, attendant la première attaque.

HRP:

Nuage de Sucre dressa brièvement la queue à l'approbation de son mentor, mais prit bien vite une position très attentive et sérieuse lorsqu'il apprit que tous les coups étaient permis. Cela promettait d'être un entrainement exceptionnel. Les pattes solidement plantées dans le sol, les oreilles pointées vers l'arrière, le jeune chat n'avait plus rien à voir avec la boule de poil qu'il était au quotidien. Ses yeux verts sombres étincelaient à la lumière, passant au crible tous les détails de son adversaire tandis que sa queue battait l'air comme une massue. Le félin blanc connaissait bien Rêve de Chouette et sa musculature. Il l'avait sentit lorsqu'il lui avait labouré les flancs dans la tanière de Pelage de Lièvre, mais il n'avait encore jamais vu son mentor au combat. De toute évidence, il devait maitriser bien des techniques pour triompher de ses ennemis, mais ce n'était pas grave. Ils étaient là pour apprendre et s'amuser.

Sans crier garde, Nuage de Sucre se propulsa en avant et feinta le guerrier sur la gauche avant de le percuter de plein fouet au poitrail à la manière d'un bélier. La tête rentrée dans les épaules, il sentit son crâne dur s'enfoncer dans la masse tiède d'un félin. Un peu sonné, mais toujours bien concentré, Nuage de Sucre se cabra aussitôt et s'abattit sur son mentor de tout son poids, s'accrochant à son dos en lui pinçant la peau du cou pour le faire tomber à terre dans un bruit sourd. Allongé sur le flanc à côté de son mentor, Nuage de Sucre poussa un miaulement de triomphe ravi et se mit à lui labourer le dos des pattes arrières sans prendre la peine de retenir ses coups. Son ainé en serait quitte pour quelques bleus et courbatures carabinées. Car, ce que bien des guerriers semblaient avoir oublié, c'était que le jeune chat un peu éparpillé et maladroit avait toujours été le grand champion de la pouponnière et de la tanière des apprentis en matière de combat. Il fallait dire qu'il avait rapidement trouvé la bonne technique pour remporter des pièces de gibier supplémentaires ou éviter des corvées déplaisantes. Défier ses amis et les massacrer en moins de deux dans la poussière, il n'y avait rien de mieux pour bien commencer la journée.

HS:

A la minute où Rêve de Chouette se dégagea de son emprise, Nuage de Sucre roula à terre pour se remettre ses pattes et se tint prêt à un nouvel assaut. Solidement campé sur ses pattes, il veillait instinctivement à garder les articulations souples pour pouvoir changer rapidement de position en cas de besoins, et se tapit près du sol au cas où le matou déciderait de l'attaquer par en-dessous. Ses yeux verts étincelants, le jeune chat ne manqua pas un seul mouvement de son mentor, conscient de l'immense honneur qu'il avait de voir un Guerrier en action. Il se cabra pour essayer d'intercepter son assaillant qui venait de bondir droit sur lui, mais le soleil lui fit manquer son coup et se fit entrainer vers le sol par le matou qui commença à lui mordiller la nuque comme une reine corrige son chaton.

Ravi de cette riposte, Nuage de Sucre se contorsionna pour essayer de frapper le Guerrier avec ses pattes avant et donna des coups de croc dans le vide à la recherche d'un bout de fourrure auquel se raccrocher. Peine perdu, son ainé avait déjà sauté hors de portée. Le félin blanc se redressa aussitôt, reprenant sa position initiale pour continuer le combat. Il dressa les oreilles et poussa un ronronnement satisfait en entendant le compliment que lui fit Rêve de Chouette, mais une expression taquine passait dans ses yeux. Fouettant l'air de la queue, il comptait faire une attaque surprise pour rappeler à son mentor qu'il valait mieux éviter d'être distrait lorsqu'il s'agissait de se battre, mais se résigna en entendant son conseil. Tirer avantage du terrain. Le félin blanc devint songeur. Il passa un instant en revue la plaine où ils se trouvaient, cherchant ce qui aurait pu l'aider, mais se contenta de laisser le soleil dans son dos pour éviter d'être une nouvelle fois aveuglé. Evaluant la distance qui le séparait de son mentor, Nuage de Sucre émit un de ces feulement que poussent les chatons avant de passer à l'attaque et fonça droit sur le beige.

Il se cabra au dernier moment, voir même un peu trop tard, et se retrouva à entourer la tête de son mentor avec ses pattes avant. Il agrippa les épaules du matou et l'entraina avec lui en retombant. Le chat aurait put contre-attaquer sans peine, aussi Nuage de Sucre s'empressa-t-il de se redresser pour écraser la tête de son mentor dans l'herbe et se recroquevilla sur sa proie pour lui bloquer le cou, le poitrail et les pattes avant comme s'il avait voulu se rouler en boule autour de lui jusqu'à le fendre comme un oeuf. C'était une technique très rodée qu'il aimait beaucoup. Rêve de Chouette aurait put se débattre comme un fou, son zélé apprenti n'aurait pas desserré son étreinte d'une griffe.

L'apprenti était content, il tenait bien son mentor et il devait sembler peser aussi lourd qu'une montagne. Mais il ne savait pas bien s'il devait porter un autre coup pendant que le chat était à sa merci. Il était d'ailleurs incapable d'atteindre l'arrière-train du matou, dernière partie du félin qui n'était pas écrasée sous la montagne de muscles en fourrure blanche. Dans la pouponnière, lorsqu'il faisait cela, il se contentait de maintenir ainsi ses malheureuses victimes contre le sol jusqu'à ce qu'elles étouffent et demandent grâce, mais est-ce que cela serait suffisant cette fois ?

Nuage de Sucre était solidement accroché à l'adorable tête de son mentor préféré lorsque ce dernier cessa de remuer. Cela avait été assez subite, un peu trop. D'habitude, ses victimes de la pouponnière se démenaient comme des diables avant de pousser des miaulement étouffés et de se laisser soumettre. Rêve de Chouette semblait quand à lui être aussi mou que s'il s'était endormit. Le matou blanc conserva sa position. Il se battait bien, mais il n'avait aucune notion de Guérisseur. Comment voyait-on la différence entre un chat bien endormit, évanouit ou mort ? Lui ne le savait pas et il cru un instant que le beige lui faisait une mauvaise plaisanterie.

Il finit pourtant par s'inquiéter. Le temps passait et Rêve de Chouette ne réagissait toujours pas. Il avait entendu parler de nombreux chats s'étant briser le cou à la suite de faux mouvements. Avait-il bisé le cou de son mentor ? Il lui semblait que cela était une chose grave car les chats qui avaient eut ce genre de mal étaient tous mort, mais le guerrier sous son ventre avait tout de même survécu à un terrible assaut contre la sphère de verre. Il était plus costaud que ça.

— Rêve de Chouette ? miaula le blanc d'un ton inquiet.

Pas de réponse.

Le jeune chat commença à s'agiter sur sa prise, ne sachant pas s'il devait partir chercher de l'aide ou bien... ou bien autre chose. Il finit par se pencher sur le museau de son mentor pour lui donner un coup de truffe vigoureux, puis fit de même en lui donnant un coup dans les côtes du bout d'une patte. Cela commençait à beaucoup l'inquiéter.

— Rêve de Chouette ? Tu va bien ?