Découverte du territoire [Pv Nuage de Sucre] [Finiii]

L’aube était tout juste passée, et déjà les rayons du soleil se frayaient un chemin à travers les roseaux qui protégeaient le gite des guerriers du Clan du Vent. Rêve de Chouette remua les moustaches et plissa le museau, dérangé par une des raies de lumière qui tombait juste sur son œil. Puis après plusieurs tentatives pour se débarrasser de cette gêne, il admit sa défaite contre la lumière du jour et ouvrit un œil, suivi de l’autre. Le jeune guerrier dut cligner plusieurs fois des paupières avant de se souvenir où il était. Il avait fait un rêve prenant et même si maintenant celui-ci se dissolvait dans les brumes de son esprit, il avait du mal à revenir à la réalité.

Puis il se souvint. Aujourd’hui, il allait donner son premier entrainement à Nuage de Sucre ! Tout de suite plus alerte, le guerrier se leva d’un bond et sortit silencieusement du repère. Sur le seuil, l’éclat du soleil vint réchauffer son pelage, et paradoxalement provoqua chez lui un début de panique. Il avait dit à son apprenti qu’il viendrait le chercher à l’aube, mais le soleil avait déjà l’air levé depuis un moment. Quel pitoyable mentor il ferait si l’heure était déjà passée ! Heureusement, ce n’était pas le cas et l’astre lumineux était encore bas dans le ciel. Une belle journée s’annonçait, claire et chaude, se dit Rêve de Chouette. Il sentit son cœur s’apaiser et s’accorda quelques minutes supplémentaires pour reprendre son calme avant de se diriger vers la tanière des apprentis.

Nuage de Sucre se trouvait toujours à l’intérieur, son petit corps blanc roulé en boule sur un lit de fougère. Il avait l’air de dormir profondément, aussi Rêve de Chouette essaya-t-il de le réveiller le plus doucement possible. Posant le bout de sa queue sur l’épaule du jeune chat et secouant légèrement, il lui murmura que c’était l’heure et qu’il l’attendait à l’extérieur. Puis il sortit et entreprit de se donner quelques rapides coups de museau en attendant l’apprenti.

Nuage de Sucre était roulé en boule dans le bonheur le plus total. Il avait eut un beaucoup de mal à s'endormir la veille, tellement surexcité à l'idée d'être enfin apprenti et d'avoir son tout premier entrainement. Désormais, il dormait aussi profondément qu'une des pierres du Guet. Ses petites oreilles blanches frémissantes de temps à autre, ses pattes savamment croisées en un oreiller confortable. La fougère sous sa fourrure blanche était brûlante tant il était resté immobile. Cela ne le dérangeait pas, bien au contraire. La seule chose qui avait bougé depuis la veille, c'était sa queue. Lorsque le soleil avait commencé à éclairer la vallée et le camp, il l'avait instinctivement posée sur ses yeux pour garder un peu de nuit. Il ne rêvait à rien, dormait juste. Son ventre se soulevait à rythme régulier, un léger sifflement sortait de sa truffe. Un sommeil de chaton que beaucoup de félins devaient lui envier.

Soudain, il sentit un chatouillement sur son épaule et fut un peu secouer. Il grogna. Un bourdonnement lui vint aux oreilles qui s'agitèrent comme pour chasser les mauvaises paroles qui voulaient le tirer du sommeil. Le félin s'agita, se tordit sur le côté, remua un peu son lit de fougère et se roula en boule de l'autre côté, son sommeil toujours aussi profond. Cette fois, l'une de ses pattes aux bouts noirs couvrait une de ses oreilles, une autre ses yeux. Il se figea et sa lente respiration repris. Dormir était un art que ses trois lunes supplémentaires à la Pouponnière avaient portées au paroxysme.

Après avoir fait rapidement sa toilette, Rêve de Chouette se sentit parfaitement d’attaque, prêt à son premier jour en tant que mentor. Mais encore fallait-il que son apprenti pointe le bout de son nez ! Rêve de Chouette repassa la tête à l’intérieur de la tanière pour voir ce que faisait Nuage de Sucre, et réprima un ronron amusé lorsqu’il vit qu’il n’avait pas bougé de son nid de fougère. Pire, il avait placé ses pattes de sorte qu’il ne pouvait plus rien voir ni entendre, ce qui signifiait que son mentor allait devoir utiliser des manières un petit peu plus brutales.

S’approchant à pas de loup, le jeune guerrier se pencha vers Nuage de Sucre, jusqu’à ce que ses moustaches effleurent la patte posé sur l’oreille de l’apprenti, puis miaula d’une voix forte :

Debout Nuage de Sucre, ou ton entrainement commencera par l’apprentissage de l’utilisation de la bile de souris ! Je suis sûr qu’on trouvera des membres du clan ravis que tu les débarrasse de leurs tiques.

Puis il recula de quelques pas pour observer la réaction de son apprenti.

Nuage de Sucre ronflait paisiblement lorsqu'on lui cria dans les oreilles. Il sursauta et bondit sur ses pattes, manquant de trébucher sur sa litière. Il resta perturbé quelques secondes, avant d'essayer d'avancer vers le chat qui se trouvait devant lui. Mais les griffes de sa patte arrière gauche étaient emmêlées dans la mousse et il s'écrasa sur le sol en position assise.

Il leva les yeux et vit que le chat inconnu qui venait de le réveiller était en réalité son mentor, Rêve de Chouette. Ironique d'être réveillé par un rêve. Le jeune chat blanc baissa les oreilles, toutes rouges de honte sous sa fourrure. Dehors, le soleil semblait déjà bien haut dans le ciel, alors qu'il était partit pour dormir toute la journée. Dormir ! Alors que son entrainement débutait enfin. Quel idiot.

— Heu... bafouilla le félin blanc. Je... je me suis pas réveillé... et... euh j'ai pas entendu... qu'est ce que je dois faire ?

Le félin agita la patte arrière pour libérer ses griffes de la litière. Il garda la tête basse, d'un air piteux. On ne pouvait pas avoir les oreilles plus plaquées contre le crâne qu'il les avait. Est-ce que son mentor le punirais ? Est-ce qu'il venait de manquer son premier jour d'entrainement ?

Rêve de Chouette soupira en voyant son apprenti s’emmêler les pattes dans la mousse en essayant de se lever. Eh bien, se dit-il, les premiers jours s’annoncent compliqués ! Même s’il était plus amusé qu’agacé par les maladresses de son apprenti, Rêve de Chouette commençait à ressentir une pointe de découragement. Nuage de Sucre était resté trop longtemps dans la pouponnière, et il allait falloir lui faire perdre ses habitudes de chatons.

Aujourd’hui, expliqua-t-il en réponse à la question de l’apprenti, je vais t’emmener faire le tour du territoire. Peut-être n’aurons-nous pas le temps de tout voir, mais j’ai l’intention de couvrir la plus grande distance possible, alors il ne faudra pas trainer. Suis-moi !

Puis le guerrier s’élança vers le gué qu’il franchit d’un bond avant de prendre la direction des falaises. Il avait décidé que ce serait par là qu’il commencerait la formation de Nuage de Sucre. Il ne s’arrêta pas du trajet, se contentant de ralentir un peu lorsqu’il voyait que l’apprenti derrière lui se faisait distancer. Il savait d’expérience que ce périple allait épuiser le jeune chat, qui n’avait encore que des muscles de chatons sous sa fourrure blanche, mais c’était justement ça qui en faisait une bonne leçon.

Ce n’est que lorsqu’il arriva en vue de l’endroit où la falaise se fondait dans la paroi de la sphère que Rêve de Chouette décida de s’arrêter. Il s’assit sous un chêne rachitique pour profiter du peu d’ombre et attendit que son apprenti s’asseye en face de lui.

Nous sommes ici tout près de la frontière de notre territoire, expliqua le guerrier crème. Dans cette direction, le mur de verre délimite nos terre jusqu’à la Plaine des Aigles et aux nids de bipèdes qui se trouvent derrière, poursuivit-il en pointant de sa queue ce qu’il désignait. Nous n’aurons pas le temps d’aller jusque là-bas aujourd’hui. De l’autre côté, notre frontière est constituée des Falaises qui sont à nos pieds. Elles s’étendent à perte de vue en faisant le tour des terres du clan et sont une protection naturelle contre les intrusions des autres Clans.

Si tu as des questions, j’essaierai d’y répondre du mieux que je pourrais, mais d’abord, que sens-tu de ce côté-ci ? demanda Rêve de Chouette en pointant de la queue les montagnes.

Nuage de Sucre s'élança à la suite de son mentor qui semblait avoir traversé le guet plus vite que son ombre. Le jeune chat blanc marqua un léger arrêt au niveau du tas de gibier. L'odeur tendre des lièvres lui chatouilla la truffe et il se mit à saliver.

— On ne s'arrête pas pour manger ? demanda-t-il.

Mais il n'avait pas du parler assez fort car son mentor continua sans répondre, ne laissant d'autre choix au félin que de le suivre. Le novice s'élança sur les rochers du guet, d'une patte mal assurée, c'était la première fois qu'il passait par ici sans être porté. Les griffes sorties pour assurer une meilleure prise dans les aspérités presque invisible des rochers, il avança par petits bonds, jusqu'à ce qu'une mauvaise réception le fasse atterrir la tête dans l'eau. Il bondit sur la sol ferme, le poitrail dégoulinant. Le ruisseau était gelé. De son côté, Rêve de Chouette, complètement sec, ne l'avait même pas attendu.

Nuage de Sucre courrait plus qu'il ne marchait pour tenir le rythme effréné de son aîné. Son ventre criait famine et son poil blanc était parsemé de mouchetures brunes à cause de la poussière qui s'était changée en boue au contact de sa fourrure humide. Ses coussinets picotaient affreusement, il avait la gorge sèche et haletait presque, comme un stupide chien, alors qu'il luttait pour ne pas s'écrouler sous la chaleur et la fatigue.

Lors qu'enfin le guerrier crème stoppa sa course, Nuage de Sucre n'en menait pas large. Il se tenait avachi sur son postérieur, les pattes avant écartées pour ne pas s'écrouler dans l'herbe comme une vieille litière usagée. La respiration sifflante, de la sueur dans les yeux, il faillit ne pas entendre ce que lui disait son mentor. Questions et odeurs.

— Arg, répondit-il du tac au tac.

Il tâcha de se calmer un peu, se laissa tomber dans l'herbe en espérant que le contact avec le sol calmerait les battements de son cœur. Puis il inspira à fond.

Cela sentait la transpiration et la poussière. Il agita les oreilles, paniqué, ce n'était sûrement pas ce qu'il fallait trouver.

— Je... je sens l'odeur du Clan, bafouilla-t-il.

Ce n'était qu'un demi-mensonge, le seul parfum un peu net dans les parages était celui de son mentor. Son mentor venait de son Clan donc il sentait comme son Clan. C'était logique non ?

Un profond gargouillis s'éleva de l'estomac vide du pauvre apprenti.

Lorsque Nuage de Sucre s’arrêta difficilement à ses côtés, Rêve de Chouette se dit qu’il y était peut-être allé un peu fort. L’apprenti avait vraiment l’air misérable et peinait à respirer, ce que son tout nouveau mentor n’avait pas prévu. Il voulait fatiguer Nuage de Sucre, pas le voir s’effondrer dès le milieu de la matinée.

Le jeune chat blanc se laissa tomber dans l’herbe devant lui avec un gargouillis puis, après un moment de panique visible, répondit à sa question :

- Je... je sens l'odeur du Clan.

Rêve de Chouette secoua calmement la tête, en se disant qu’il aurait besoin de patiente avec cet apprenti.

- Ce n’est pas ce que je voulais te faire observer. En réalité, il n’y a pas de trace fraiche de membres de notre clan à part nous deux. Réessaye en te concentrant et en pointant ton nez dans la direction des montagnes, expliqua-t-il.

Mais pendant qu’il parlait, un gargouillement plaintif s’éleva du ventre de l’apprenti, forçant le guerrier crème à reconsidérer les choses. C’est vrai, songea-t-il avait une pointe de culpabilité, il n’avait pas laissé l’apprenti manger avant de partir, il devait être affamé. Et dans ce cas, c’était normal qu’il soit inattentif. Rêve de Chouette devait réparer son erreur, sinon ils auraient beaucoup de mal à poursuivre l’entrainement.

- Ce que tu recherches est une odeur différente de toutes celles que tu as déjà pu sentir, aida-t-il l’apprenti. Ensuite, j’irais nous attraper un lapin avant que nous reprenions notre chemin.

Il espérait que cela motiverait Nuage de Sucre.

Le mot lapin fit dresser les oreilles blanches du jeune chat et un peu de lumière revint dans ses yeux verts. Il tourna aussitôt la tête et pointa le museau vers les montagnes. Prenant une profonde inspiration, il tâcha de trouver l'odeur particulière. Il entre-ouvrit les mâchoires et ferma les yeux pour se concentrer. Le vent soufflait dans sa direction, chargé d'une forte odeur d'arbres résineux. Cela le dérangeait, il était à peu près sûr que ce n'était pas ce que Rêve de Chouette voulait lui faire sentir.

Se concentrant d'avantage pour mériter son repas, le félin se trouvait tendu vers son analyse olfactive. Soudain, une vive puanteur lui saisit la truffe à tel point qu'il plissa le museau. Elle était si puissante qu'il s'étonna de ne pas l'avoir découverte plus tôt.

— Beurk ! gémit-il. C'est affreux ! Mais je ne sais pas ce que c'est...

Il ne se sentait pas honteux d'avoir avoué ne pas savoir. Après tout, Rêve de Chouette avait dit qu'il n'avait jamais sentit cette odeur auparavant, c'était donc normal qu'il ne parvienne pas à y mettre un nom. De plus, le jeune chat blanc était bien trop content d'avoir enfin réussi à trouver la mystérieuse odeur. Il avait bien mérité son lapin, non ?

Tandis que son mentor lui expliquait d'où provenait l'odeur, le félin immaculé écoutait son estomac d'une oreille distraite. Sagement assis, la queue entre les pattes, il s'imaginait en train de mordre à beaux crocs dans la chaire tendre et savoureuse de la meilleure proie du monde.

Rêve de Chouette hocha la tête, satisfait que son apprenti ait finalement réussi à sentir l’odeur du Clan de l’Ombre. Ca n’avait pas été facile, mais pour une première fois, ce n’était pas mal. Il lui expliqua son origine et lui demanda de bien la retenir, mais Nuage de Sucre n’avait pas vraiment l’air très concentré. Il pense surement à son ventre vide, devina le guerrier.

Mi amusé, mi agacé par l’inattention du jeune félin, il résolu de leur attraper un lapin, comme promis. Ils arriveraient peut-être à faire un véritable entrainement après ça. Il allait aussi pouvoir se servir de la chasse pour montrer des techniques à Nuage de Sucre.

Regarde bien comment je m’y prends, dit-il à son apprenti. Et mémorise ma position lorsque j’approcherais de ma proie, car tu devras apprendre bientôt à faire la même chose.

Rêve de Chouette se mit en marche, à l’affut, son apprenti derrière lui. Il n’était pas trop inquiet sur ses chances de trouver un lapin, après tout c’était toujours la belle saison et son clan venait rarement chasser par ici. Effectivement, il n’eut pas à aller bien loin avant de dénicher ce qu’il cherchait. Un lapin, mâle sans doute, mangeait dans une touffe de très hautes herbes à quelques longueurs de queue de lui. Il ne l’avait pas entendu arriver et le vent était avec lui, alors Rêve de Chouette prit la position du chasseur, et après avoir vérifié d’un regard que Nuage de Sucre observait bien la scène, il commença son approche. Un peu avant le moment où il avait décidé de bondir, le lapin le repéra et s’apprêta à s’enfuir, les oreilles rabattues. Rêve de Chouette n’hésita pas et sauta, lui coupant la route puis il fondit sur le malheureux animal pour l’achever.

Puis il fit signe à Nuage de Sucre de s’approcher et de commencer à manger. Il aurait bien aimé lui expliquer quelques petites choses sur la chasse en même temps, mais il se doutait que l’apprenti ne l’écouterait pas du tout, obnubilé par son repas. Il s’assit donc à côté de lui, et attendit qu’il ait fini pour se sustenter à son tour.

[tu veux que j'aille plus loin ou tu trouve quelque chose à dire à ce niveau là ? ^^]

Tandis que son mentor était en traque, Nuage de Sucre peinait à tenir en place. La faim avait laissée place à l'excitation de voir un véritable Guerrier en action. Il fixait intensivement le chasseur se plaquer contre le sol, s'imagina à sa place, le vent dans sa truffe, les herbes caressant ses flancs. Il avançait d'un pas léger, sûr, déterminé. Car Nuage de Sucre était très déterminé puisqu'il était un Guerrier. Il se prépara à bondir en même temps que son mentor et frémit de tout son corps lorsque le matou se lança sur la pauvre proie piégée d'avance.

Le jeune chat blanc se retint de sautiller sur place comme un chaton pour fêter la réussite de Rêve de Chouette. Cela aurait sûrement été déplacé, peut-être que le chat se serait moqué de lui ou bien qu'il lui aurait feulé dessus. Il se contenta donc de se précipiter jusqu'à son mentor, la queue haute, essayant de rester aussi digne et détaché que possible.

Lorsque le délicat fumet du lièvre encore chaud lui chatouilla la truffe, les pupilles de Nuage de Sucre s'élargirent et il se mit à saliver. Il frappa aussitôt, arrachant un gros bout de viande d'un seul coup de croc. C'était si bon ! Si bon qu'il en aurait pleuré s'il l'avait pu. Il prit à peine le temps de mâcher sa première bouchée qu'il en prenait une autre, puis une autre et encore une autre. En moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, il ne restait que des os bien lavés du pauvre lapin.

La bouche encore pleine et le museau un peu rouge, Nuage de Sucre se tourna vers son mentor. D'abord très content d'avoir enfin le ventre bien remplis, il baissa les oreilles de honte. Il n'avait même pas demandé au Guerrier s'il voulait un morceau de gibier. Il se dépêcha d'avaler les reste de son repas pour bafouiller d'une manière un peu présentable :

— Je HIC, suis désolé HIC Rêve de Chouette.

Le jeune chat essaya de retenir son souffle, mais c'était trop tard, il avait le hoquet.

[désolée pour le retard ]

Rêve de Chouette fixa son apprenti sans réagir, consterné. Il avait bien compris que Nuage de Sucre avait faim, mais il ne s’attendait pas à ce qu’il dévore ce lapin sans même prendre le temps de respirer entre chaque bouchée ! Résultat, il hoquetait maintenant de manière totalement ridicule, ressemblant plus à un de ces patauds de chat domestique qu’à un membre du clan du vent. * Calme toi * s’adjoignit le guerrier en son for intérieur. *Il vient juste de passer apprenti, c’est normal qu’il soit maladroit, surtout qu’il a passé beaucoup de temps dans la pouponnière. A moi de le remettre sur le bon chemin.*

Et pour commencer, Rêve de Chouette avait l’intention d’apprendre à son apprenti qu’on ne se jetait pas sur la nourriture comme un affamé lorsqu’on était en patrouille.

- Eh bien Nuage de Sucre, j’espère que tu es bien rassasié ? lui dit-il d’un ton qu’il ne put empêcher d’être accusateur. Après tout, il n’avait pas mangé avant de partir lui non plus, et aurait bien aimé avaler un morceau de sa proie.

- Etant donné que c’est ton premier entrainement, continua-t-il à l’adresse du chat blanc, je peux comprendre que tu ne te comporte pas encore comme un futur guerrier, qui sont censés partager la nourriture et chasser pour le clan avant de manger eux même. Mais c’est quelque chose que tu vas devoir apprendre très vite, car c’est l’une des bases du code du guerrier.

Rêve de Chouette s’interrompit un moment le temps de mettre en ordre la suite de son petit discours, espérant en même temps que Nuage de Sucre avait été plus attentif à ce qu’il avait dit que plus tôt ce matin. Puis il reprit d’un ton calme mais autoritaire :

- J‘avais l’intention de te montrer les limites de notre territoire, mais je pense maintenant qu’il est plus urgent que tu apprennes à chasser. Comme ça, tu pourras aller attraper des proies pour les reines et les anciens, et tu comprendras peut-être plus facilement que ton estomac passe après le bien du clan. Je ne m’attends pas à ce que tu attrapes forcément quelque chose aujourd’hui, rassure toi, mais au moins connaitras tu les bases et demain nous pourrons passer aux choses sérieuses.

- Très bien, commençons ! lança-t-il au jeune chat blanc en enroulant sa queue autour de ses pattes. Montre-moi ce que tu as retenu de ma position tout à l’heure.

Plus Rêve de Chouette lui faisait des reproches plus Nuage de Sucre essayait de s'enfoncer sous terre. Les oreilles si basses qu'elles auraient touchés le sol si sa tête avait été plus plate, il se contenta de murmurer des "Oui, Rêve de Chouette" et des "Pardon Rêve de Chouette" à vous fendre le coeur. Sans cessé d'hoqueter au point d'être secoué de tremblement toutes les minutes.

Lorsque le matou beige s'interrompit, le jeune chat était plaqué au sol, des brins d'herbes soulevant sa fourrure, avec le museau entre les pattes et un air misérable. C'était bien parce qu'il ne pouvait pas aller plus bas.

- J‘avais l’intention de te montrer les limites de notre territoire, mais je pense maintenant qu’il est plus urgent que tu apprennes à chasser. Comme ça, tu pourras aller attraper des proies pour les reines et les anciens, et tu comprendras peut-être plus facilement que ton estomac passe après le bien du clan.

Nuage de Sucre allait répondre qu'il n'y avait pas à changer le programme de la journée pour si peu, après tout, découvrir le territoire c'était bien aussi, mais il comprit soudain que Rêve de Chouette voulait lui apprendre à chasser pour pouvoir le punir. Le chat blanc avait toujours voulu apprendre à traquer une souris, mais il n'aurait jamais pensé être aussi dépité à l'idée d'avoir ses premiers entrainements à ce sujet.

- Je ne m’attends pas à ce que tu attrapes forcément quelque chose aujourd’hui, rassure toi, mais au moins connaitras tu les bases et demain nous pourrons passer aux choses sérieuses.

Le chaton reprit un peu de poil de la bête. Peut-être qu'en attrapant de belles proies lors de cet entrainement il pourrait évité d'avoir des corvées de chasse pour le reste de la semaine.

- Très bien, commençons ! Montre-moi ce que tu as retenu de ma position tout à l’heure.

Nuage de Sucre se redressa illico et se mit en position pour bondir sur un lièvre. Les pattes prêtes, ramenées le long du corps. Il fixa un point dans les hautes herbes et baissa la tête pour être tout à fait dissimuler. Il fit alors un bond souple et court, dérangeant un étourneau qui passait par là. Une fois la manoeuvre accomplie, il pivota vers son mentor, assez satisfait, mais rebaissa rapidement les oreilles.

— Par contre, je n'ai pas bien vu le reste, je ne voulais pas faire fuir la proie.

Rêve de Chouette observa attentivement son apprenti pendant qu’il s’exécutait, remarquant les points qu’il faudrait améliorer et ceux qu’il maitrisait déjà. Etonnamment, le jeune félin avait bien retenu la position de chasse qu’il avait utilisé tout à l’heure. Vu la maladresse qu’il avait montré auparavant, le chasseur s’attendait à avoir du mal à entrainer Nuage de Sucre mais visiblement ses craintes étaient infondées.

Il ne put retenir un ronronnement satisfait lorsque le chat blanc se tourna vers lui.

- C’était pas mal du tout, le félicita-t-il en balayant d’un mouvement de queue ses excuses inutiles. Tu manques encore de puissance mais c’est normal, et le plus important est que la position soit bonne. Tu m’as bien observé, bravo.

- En revanche, pouvoir bondir directement sur ta proie sans avoir à l’approcher d’abord ne t’arriveras que rarement. Les lapins sont très vifs et nous remarquent souvent avant que nous soyons assez près pour bondir. Donc pour avoir le maximum de chance d’attraper un lapin, il faut réussir une approche la plus silencieuse possible. Comme ça, dit Rêve de Chouette en joignant le geste à la parole.

Il s’aplatit sur le sol, les oreilles dressées, et commença à avancer doucement en posant les pattes délicatement sur le sol. En même temps, il continuait ses explications.

- Tu dois aussi faire attention à ce que ta queue ne traine pas sur le sol, ni qu’elle soit trop haute et indique ta position. Et puis essaie de ne pas balancer ton arrière train.

Rêve de Chouette savait que la masse d’information risquait d’être difficile à intégrer pour Nuage de Sucre mais mieux valait lui donner dès maintenant tous les conseils utiles. Ensuite, il le corrigerait au fur et à mesure.

- Quel est le premier indice de notre présence pour un lapin à ton avis ? demanda-t-il en se redressant. On passera à la pratique ensuite.

HS:

Les oreilles de Nuage de Sucre se dressèrent aussitôt sur sa tête, ravi du compliment. Il se retint de sautiller partout de joie et regarda son mentor déambuler avec grâce parmi les hautes herbes. Admiration sans borne et inavouable pour une entité hautement supérieur aurait été trop peu pour décrire ce que le jeune chat ressentait pour Rêve de Chouette. Il rêvait de devenir comme lui et d'être un jour son lieutenant, car il était bien certain qu'un jour son mentor deviendrait chef puisque c'était son mentor et que c'était bien entendu le meilleur au monde.

Le petit félin essaya aussitôt d'imiter son ainé, buvant ses paroles en même temps qu'il vénérait ses mouvements, mais s'arrêta lorsque le matou lui posa une question. Il fit un bond sur lui-même et répondit la première chose qui lui passa par la tête.

— C'est l'odeur ! C'est ça ? C'est l'odeur ?

Il n'écouta même pas la réponse et bondit dans les hautes herbes pour s'y plaquer en position de chasse. Il avait répondu, il avait le droit de pratiquer maintenant. Il rampa en direction d'une proie imaginaire et bondit sur une sauterelle avant de rouler sur le côté et se remettre en position, sa longue queue blanche dépassant de la végétation comme le cou d'un étrange animal.

Il dressa soudain la tête, le museau barbouillé de vert. Oreilles droites, il chercha quelques secondes son mentor qu'il avait perdu de vue tellement sa fourrure beige passait inaperçue parmi les herbes.

– Rêve de Chouette ? demanda-t-il lorsqu'il l'eut enfin retrouvé. Comment on fait pour savoir d'où viens le vent sans se faire repérer par la proie ?

Il galopa jusqu'à son ainé pour s'asseoir bien droit devant lui, avide d'avoir la réponse.

Interdit, Rêve de Chouette regarda son apprenti faire des cabrioles dans tous les sens. Le plus étonnant est qu’il ait pris le temps de répondre à ma question, pensa le guerrier avec amusement.

- C’est en partie vrai, commença-t-il en réponse à la proposition de Nuage de Sucre, mais…

Le guerrier s’interrompit. Le chat blanc ne l’écoutait absolument pas. Il devait essayer la position de chasse puisqu’il rampait vers une sauterelle, mais celle-ci ne risquait en réalité pas grand-chose. La démarche de l'apprenti était peu gracieuse et pas très efficace, et sa queue battait dans tous les sens.

Il doit apprendre la discipline, pensa Rêve de Chouette, attentif au comportement de son apprenti toujours en train de s’exercer. Il n’aura jamais la bonne position s’il ne fait pas assez attention à son corps.

Il s’apprêtait à arrêter Nuage de Sucre pour lui donner quelques conseils quand celui-ci se releva soudainement en lançant :

– Rêve de Chouette ? Comment on fait pour savoir d'où vient le vent sans se faire repérer par la proie ?

Le temps qu’il réfléchisse à sa réponse, son apprenti était debout comme un piquet devant lui, les yeux grands ouverts et sans doute aussi les oreilles. Eh bien pour une fois que j’ai toute son attention, se dit le jeune mentor, je dois en profiter.

- Eh bien, il y a plusieurs moyens pour cela, mais étant donné que le vent souffle toujours assez fort par ici, ce n’est pas très difficile à déterminer. Regarde de quel côté les herbes penchent et tu auras une assez bonne idée de sa direction. Tu peux aussi regarder dans quel sens vont les nuages mais c’est une technique moins fiable.

- De plus, si tu as repéré ta proie grâce à ton odorat, c’est que le vent est avec toi et que la proie en question ignore ta position. Mais bien sûr, il faut toujours être prudent car le vent peut changer vite et que s’il est contre toi, tu auras très peu de chance d’attraper quoi que ce soit. Donc essaie de chasser au maximum avec le vent de face pour augmenter tes chances, surtout au début.

- Et puis tu n’as fourni que la moitié de la réponse à ma question tout à l’heure, reprit très vite Rêve de Chouette pour garder l’attention de son apprenti. Réfléchis-y encore un peu s’il te plait, et ensuite je te promets que nous pourrons passer aux exercices pratiques.

Ca s'appelait du chantage, mais en général ça marchait plutôt bien avec les apprentis turbulents, et il n'y avait aucun doute, Nuage de Sucre faisait partie de cette catégorie.

Installé confortablement sur son petit popotin blanc, Nuage de Sucre s'efforçait, sans trop de peine car il était quand même très doué, d'enregistrer tout ce que son mentor lui disait. Il voulut poser une nouvelle question, mais la leçon n'était pas terminée alors il attendit et l'oublia. Lorsque Rêve de Chouette lui expliqua qu'il n'avait pas donné la bonne réponse pour le lièvre, le chaton fut soudain tout dépité. En trente secondes il s'était pourtant persuadé que l'odeur était la première chose qu'une proie repérait.

Il agita les oreilles d'agacement lorsque son mentor lui demanda de répondre à nouveau à la question avant de continuer à pratiquer. Ce n'était pas du tout amusant, mais Nuage de Sucre était un bon chat, il ne protesta pas. Il plissa le front et se concentra pour trouver la bonne réponse. Cela pouvait être tout un tas de choses, il n'avait aucune idée de ce qu'il aurait pu dire. La fourrure se détachant trop sur les hautes herbes, un craquement de brindille, un gargouillis d'estomac vide... n'importe quoi pouvait provoquer la fuite d'une proie.

Au bout d'un petit moment, Nuage de Sucre n'avait toujours pas répondu et commençait à se torturer l'esprit de plus en plus pour trouver la solution. En tendant bien l'oreille, on aurait entendu le cliquetis des petits rouages de son esprit s'affairer à passer en revue toutes les histoires de chasse qu'il avait entendu. Plus il y réfléchissait, plus les possibles réponses devenaient une sorte de bouillie incompréhensible dans sa tête. A court d'idée, il regarda son mentor qui devait en avoir assez d'attendre.

— L'odeur ? essaya le jeune apprenti d'une voix hésitante.

Il avait comme l'impression que ça n'était pas ce qu'il aurait dut dire, mais il ne voyait rien d'autre. En plus, il ne se souvenait même plus de la question d'origine. Le chaton baissa les oreilles, un peu honteux et fit en sorte d'avoir l'air le plus mignon possible pour que Rêve de Chouette accepte sa réponse et le laisse galoper dans l'herbe.

Rêve de Chouette resta quelques instants sans réaction, le temps de se remettre de la réponse de Nuage de Sucre. Comment pouvait-on être aussi distrait et inattentif ? Visiblement, former un apprenti mettrait la patience du guerrier à rude épreuve, à un point qu’il n’aurait pas imaginé. Cependant il était prêt à relever le défi. Il ferait de Nuage de Sucre un grand guerrier, peu importe les obstacles. Remotivé par cette résolution, il s’adressa à son apprenti d’une voix calme et la plus amicale possible :

- Non, Nuage de Sucre, ça tu me l’as déjà dit. Mais il y a d’autres choses qui entrent en jeu. Aides-toi de l’apparence du lapin. Tu en as déjà observé n’est-ce pas ? A quoi paraissent-ils particulièrement sensible ?

Rêve de Chouette espérait que ces indications seraient suffisantes pour que Nuage de Sucre trouve la réponse, sinon ça n’augurait rien de très encourageant pour la suite. Un guerrier devait s’adapter à ses proies et réfléchir avant d’agir. C’est ce qu’il dirait à Nuage de Sucre tout à l’heure, mais pour l’instant, il préférait que le jeune chat blanc se concentre sur la réponse à sa question.

Il l’observa pendant qu’il réfléchissait puis fit mine de humer l’air pour que l’apprenti ne se sente pas épié. Tout à l’heure, il avait surement paniqué à cause de cela, parce qu’il savait que Rêve de Chouette attendait la réponse. Pour ce deuxième essai, le guerrier espérait qu’il soit plus détendu. Ca devrait faciliter les choses.

Nuage de Sucre prit un air encore plus penaud si cela était possible. L'apparence du lapin... ça ressemblait à quoi un lapin ? Il se souvint aussitôt de celui qu'il venait de dévorer, enfin, plus ou moins. C'était assez grand, avec de longues pattes arrières et puis un tout petit pompon sur l'arrière train. Il n'aimait pas ça d'ailleurs, le pompon, ça vous collait aux crocs si vous mordiez dedans. Qu'est-ce qu'il y avait d'autre ?

— Les oreilles ? Les lapins ont de grandes oreilles donc ils doivent entendre de loin, dit-il sans y penser. Mais le vent qui souffle dedans doit les rendre sourd, non ?

Cela devenait très compliqué. Fallait-il faire en sorte que le lapin se trouve tourné face au vent pour que les bourrasques lui souffle dans les oreilles et l'empêche de vous entendre ? Comment faire en sorte que le lièvre soit dans la bonne direction sans se faire remarquer ? Et puis c'était très aléatoire comme technique. Il préférait se concentrer sur l'odeur. En plus, un fumet de lapin sous le vent c'est particulièrement délicieux. C'était une technique de chasse qu'il n'avait aucun mal à assimiler.

Le chaton commençait à se trouver un peu stupide. De toute façon, ça n'était sûrement pas la bonne réponse. Il regarda vers le sol et y vit une petite coccinelle jaune. Il se pencha pour mieux voir, l'observant grimper le long d'un brin d'herbe. Il se demanda si la petite bête pouvait voir ses yeux, ils devaient paraitre comme deux énormes soleils verts pour une si minuscule chose. Il se demanda aussi si les coccinelles avaient des yeux et si c'étaient les tâches noires qu'elles avaient sur le dos. Il leva la patte au-dessus d'elle, prêt à l'envoyer valser dans le décor.

Rêve de Chouette fit crisser une de ses griffes contre le sol pour attirer l’attention de Nuage de Sucre. L’apprenti l’avait visiblement à nouveau oublié, au profit cette fois d’une coccinelle… Le guerrier soupira intérieurement mais ne laissa rien paraitre. Il ne voulait pas décourager ou déstabiliser le jeune matou blanc. S’il voulait qu’il progresse, il fallait au contraire l’encourager.

- C’est une bonne réponse, le lapin a aussi une très bonne ouïe, bravo ! dit le mentor en guise de félicitation. Alors lorsque tu en chasseras, tu devras être particulièrement attentif à marcher silencieusement et à ne pas faire bruisser les herbes sur ton passage.

Rêve de Chouette scruta l’expression de son apprenti, essayant de déterminer s’il avait bien tout écouté et tout compris. Le mieux pour le vérifier serait de le voir à l’œuvre, se dit le chat crème.

- Passons à l’exercice pratique, d’accord ? lança-t-il donc à l’adresse de Nuage de Sucre. Cette fois, c’est toi qui va mener la chasse et je te suivrai pour te donner des conseils si besoin. Essaie du côté de cette touffe de hautes herbes plus foncées là-bas.

Lorsqu'il entendit la griffe de son mentor faire crisser le sol, Nuage de Sucre laissa retombé sa patte comme s'il avait reçu un coup de tonnerre. La pauvre petite coccinelle fut projeté à bas de son brin d'herbe qui fut réduit en bouilli par la grosse patte noire. Elle s'envola aussitôt, ayant échappé de peu au jeune maladroit qui la suivit des yeux en agitant les moustaches et oreilles. Il aurait bien aimé essayer de l'attraper, mais son mentor prit la parole.

Presque aussitôt, Nuage de Sucre poussa un puissant ronronnement qui dut réveiller toutes les taupes des environs. Il avait trouvé la bonne réponse, il progressait vite, il serait guerrier avant la fin de la lune c'était sûr !

— Marcher silencieusement, répéta le chaton pour bien se souvenir de la technique.

En effet, ce n'était pas gagné pour la mémoire, il avait déjà oublié comment faire pour repérer le vent. Enfin, ça reviendrait bien ! Il sauta sur ses pattes et fit quelques tours sur lui-même quand Rêve de Chouette annonça qu'ils passaient enfin à la pratique. S'il avait été un chien il aurait probablement remué la queue jusqu'à provoquer un cyclone, mais en tant que chat, il dressa les oreilles et la queue avec un air émerveillé. Il tourna la tête vers la fameuse touffe d'herbes foncées et pencha la tête.

— Pourquoi ? Il y a des lièvres là-bas ?

Il n'allait tout de même pas ramper et sauter dans un coin dépourvu de gibier, cela aurait fait perdre beaucoup de temps au Clan, mais bon... si le Clan avait put le voir il aurait sans doute préféré que le chaton évite de faire s'enfuir toutes les proies du territoire.

— Que te dis ton nez ? Retorqua Rêve de Chouette, qui commençait à sentir sa patiente s’émousser devant le comportement insouciant de son apprenti.

Il avait l’impression de n’avoir pas avancé dans l’entrainement de Nuage de Sucre, et le soleil avait dépassé son zénith depuis un moment. Bientôt, il leur faudrait rentrer au camp et son apprenti n’avait toujours pas tenté d’attraper le moindre animal sérieusement. Etait-il un si mauvais mentor ? Serait-il capable de faire de Nuage de Sucre un véritable guerrier ? Le jeune guerrier se secoua mentalement. Il ne devait pas se décourager, et surtout ne pas montrer ses doutes à Nuage de Sucre, ça ne ferait que le déstabiliser. Il continua donc son explication d’un ton sérieux mais qu’il s’efforça de rendre encourageant :

Bientôt tu devras être capable de chasser seul, Nuage de Sucre, alors commence à t’entrainer dès maintenant à repérer tes proies. De ce côté, tu ne sentiras pas nécessairement un lièvre mais la trace qu’il a laissé en passant par ici. Plus l’odeur est forte, et plus la trace est récente. Avec un peu d’entrainement, tu devrais même être capable de dater le passage du lièvre.

L’explication était peut-être inutile, mais avec Nuage de Sucre, il n’était jamais sûr de rien !

Pendant que le jeune chat blanc humait l’air, Rêve de Chouette laissa ses pensées dériver. Son regard tomba sur la paroi de la sphère et il s’étonna à nouveau de vivre à l’intérieur de ce gros globe translucide. Non pas que ça le gène vraiment, mais le guerrier ne pouvait s’empêcher d’y jeter des coups d’œil de temps en temps, comme si la structure allait lui tomber sur la tête. Enfin, il finirait sans doute par s’y habituer !

Revenant au présent, il reporta son regard sur son apprenti.

Nuage de Sucre se dressa une seconde sur ses pattes arrières en entendant les explications de son mentor. Bien sûr, le flaire, l'odeur, le fumet du lapin. Tous les guerriers ne parlaient que de ça en racontant leurs chasse. Le chaton reposa ses coussinets au sol et entre-ouvrit les crocs pour humer l'air à la recherche d'un lièvre. Il n'eut pas trop de mal à trouver, il en avait sentit des dizaines depuis qu'ils étaient arrivés au camp et il fouillait souvent dans le tas de gibier à la recherche de ces délicieuses boules de poils, si bien qu'il aurait put sans hésiter différencier une perdrix d'un mulot au plein coeur d'une tempête. A condition de se concentrer suffisamment.

Fort heureusement, il flaira bien vite le gibier qu'il cherchait. Si jamais il avait mis la truffe sur la piste d'un rat des champs, il aurait probablement levé la tête inquiet pour demander à son mentor ce qu'il aurait dut faire. Au lieu de quoi il rapprocha la tête du sol et fendit les herbes, queue dressée, à la poursuite de son chemin olfactif. Il marqua un arrêt à mi-chemin quand l'odeur commençait à être un peu plus forte et se remémora les premières leçons de son mentor. Il abaissa sa longue queue blanche et s'accroupit de son mieux. L'herbe était hélas trop courte pour qu'il puisse y dissimuler sa déjà très forte musculature, mais il ne le remarqua pas. Il tendit les oreilles pour essayer de repérer son lièvre et avança à petites foulées bondissantes pour ne pas faire bruir la végétation.

Il traversa ainsi un bon morceau du carré d'herbe jusqu'à trouver un peu d'agitation devant lui. La puissante odeur de sa proie embaumait l'air et lui mit aussitôt l'eau à la bouche. Alors qu'il essayait de déterminer l'endroit exacte de sa cible, un lièvre non identifié surgit de nul-part, lui passa juste sous la truffe et disparut aussi sec. Le félin freina des quatre fers et se retrouva assis d'étonnement tandis que sa proie s'enfuyait dans une autre direction. Il resta songeur une minute avant de tourner la tête vers Rêve de Chouette, visiblement très inquiet.

— J'ai pas eut le temps de sauter, gémit-il. Comment on fait quand on peut pas sauter ?

Lorsque son apprenti commença à pister le lapin, Rêve de Chouette retint son souffle. Le jeune chat blanc paraissait très concentré pour une fois, et son mentor n’osait pas bouger un muscle de peur de le perturber. Lorsqu’il se mit en position de chasseur, et d’une façon très convenable en plus, Rêve de Chouette ressentit un élan de fierté. L’apprenti avait donc retenu une partie de ses leçons ! C’était inespéré. En plus, il avait réussi à les mettre en pratique bien plus rapidement qu’il ne s’y attendait. C’était très encourageant pour la suite.

Lorsque la queue de Nuage de Sucre disparu dans les herbes, Rêve de Chouette se redressa hâtivement et le suivit. Il ne voulait surtout pas perdre le jeune chasseur des yeux. Mais alors qu’il venait juste de le rattraper, un lapin surgit à sa gauche et passa en bondissant juste devant la truffe de Nuage de Sucre. Rêve de Chouette vit son apprenti s’arrêter sec, totalement surpris, et sa proie en profita pour prendre le large elle aussi.

Le guerrier se redressa et s’assit sur ses pattes arrières, consterné. Ce n’était pas juste que la première chasse de Nuage de Sucre se termine comme cela, sur un coup de malchance, alors qu’il était si bien parti. Mais bien sûr, la vie est rarement juste, se dit le guerrier avec philosophie. Il remballa sa frustration et répondit à son apprenti démoralisé :

- Ce n’est pas grave, Nuage de Sucre, tu t’es très bien débrouillé mais tu n’as pas eu de chance, c’est tout. Et la chasse repose en partie sur la chance, ne l’oublie pas. Si tu veux, nous pouvons essayer de trouver un autre lapin pour que tu t’exerces encore. Puis, après un instant de réflexion, il ajouta : Mais si tu te sens fatigué, nous pouvons aussi rentrer, je suis satisfait de ce que nous avons fait aujourd’hui.

Nuage de Sucre tourna vivement le museau vers son mentor en approche et peina à rester sur place lorsque ce dernier lui assura qu'il avait bien travaillé. Le jeune chat blanc parvint à garder une apparence digne environ trois battements de coeurs avant de se mettre à sautiller en tous sens, couchant les herbes sur son passage et répétant sans cesse des "C'est vrai ? C'est vrai ?"

Il essaya de faire une roulade sur le sol dur, mais manqua son coup et s'étala de tout son long sur le dos. Il fit volte-face pour se mettre sur le ventre et se redressa dans le même élan pour retourner se planter devant le Guerrier. Trouver un autre lapin ? Il en serait ravi, il lui semblait commencer à connaitre leur odeur et il aurait sans doute plus de chance cette fois, mais Rêve de Chouette avait l'air d'hésiter à rentrer. Nuage de Sucre s’apprêtait à protester fermement lorsqu'un bâillement lui ouvrit la gueule de tout son long. Il claqua des mâchoires et cligna des paupières pour se réveiller un peu et agita l'arrière-train pareil à un petit chien satisfait.

— Oh s'il te plait Rêve de Chouette ! Je voudrais chasser encore un peu... supplia l'apprenti.

Il cligna encore des yeux, peinant à rester éveillé. Comme s'il avait suffit que le matou crème lui dise qu'il devait être fatigué pour que le blanc réalise, presque, qu'il l'était bel et bien. Il laissa tomber son arrière train dans l'herbe une nouvelle fois puis allongea ses pattes avant, pour s'étirer de tout son long. Le sol était peut-être bien plus dur que sa litière, il le trouvait bien confortable. Il posa sa tête sur ses coussinets noirs et bailla encore une fois en agitant les oreilles.

Allez, Nuage de Sucre, essaie quand même de ne pas t’endormir avant que nous soyons rentrés au camp ! s’exclama Rêve de Chouette d’un ton amusé en voyant son apprenti s’allonger par terre en baillant à s’en décrocher la mâchoire. C’est fini pour aujourd’hui. Un guerrier doit connaitre ses limites et les respecter, ou il pourrait se blesser bêtement et ainsi pénaliser le clan, poursuivit le chat crème sur un ton professoral.

Puis il se leva et prit la direction du camp avec un signe de tête satisfait à l’attention de Nuage de Sucre. Globalement, le mentor était satisfait des progrès de Nuage de Sucre. A l’instant, il avait presque attrapé un lapin ! Certes, il ne deviendrait probablement jamais le meilleur chasseur du Clan, mais le lui dire ne ferait que le déprimer. Ce serait stupide, sachant toute l’énergie que le jeune chat blanc avait à dépenser. Rêve de Chouette devait trouver un moyen de l’aider à canaliser cette énergie, et surtout, il devait réfléchir à comment faire en sorte que son apprenti se concentre sur ce qu’il faisait plus de quelques instants. Mais ça attendrait le lendemain, car lui aussi se sentait fatigué après cette journée de chasse. Qui aurait cru qu’être mentor serait si épuisant ?

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