Seule et perdue. C'est la traduction exacte de ce que tu ressens, à cette seconde précise. Ici, tu n'es pas chez toi, même si tu es née ici, et tu ne le seras jamais. Ce jour là, tu as fui, pour ne jamais revenir. Tu as couru vers ce qui t'as toujours attiré, l'eau. L'eau, les larmes, n'est-ce donc pas la même chose ? Que ce mot est ironique à tes yeux. Quand on le prononce, tout semble n'être que désespoir et envies suicidaires. C'est dans ce même état de profond réflexion et c'est auprès de ce même ruisseau que les membres de ton clan t'ont trouvée.

Les yeux dans l'éternel recommencement aquatique, et hypnotisée par l'inacceptable évidence qui te heurtait avec aisance, tu apprenais à aimer l'eau, tu voulais te fondre dedans et disparaître, à tout jamais. Tu voulais te cacher dans ses profondeurs, dansant avec grâce et volupté parmi les eaux troubles qui t'entouraient, te dévoraient pour ta plus grande jouissance. Tu te souviendras toujours de cette instant, cette prise de conscience personnelle inattendue. Elle te marqua au fer rouge, ancrée en toi par ton propre esprit. C'est ainsi que, perdue dans la vague et écrasée par la puissance des voix à l'unisson et des milliers de question qui te harcelaient, tu murmuras inconsciemment, presque par accident et par dépit, au milieu de ces rires innocents, un alignement mélodieux de ces deux mots qui te qualifiaient avec aisance. Pleurs des Disparus. Disparue comme quand tu as fui ton foyer chéri, avec tes parents qui étaient des tyrans insensibles et ces pleurs, qui signifient tant pour toi. Oublier dans l'avenir c'est ce que tu veux. Au fond, tu veux juste continuer à vivre comme je le souhaite, entourée et voir ce qui va te tomber dessus, comme ça, du jour au lendemain. Changer de passé, tu ne le peux. Changer de futur, c'est une bien autre histoire.

Dans tes magnifiques prunelles bleues, des flammes de joie sont souvent présentes. Tu as la joie de vivre, mais tu ne l'exprimes pas par l'excitation ou la folie. Tu la manifestes par des sourires et de la sociabilité. Tu as besoin d'un entourage, tu te sens obligée d'être gentille avec tout le monde, non pas pour la popularité, mais pour le bien-être de ta conscience. Tu veux aider, te rendre utile. Mais tu en restes tout de même sceptique face au Clan des Étoiles et aux miracles. Tu restes rigide et indifférente, tu ne prends jamais les gens par pitié, ce qui te rend froide et tranchante par moments. C'est comme une partie de toi, cachée sous une épaisse couche de bonne humeur. C'est comme si tu te mentais à toi-même, éternellement indifférente.

Le monotone ciel gris d'hiver ne peut que se prétendre semblable à ta longue robe, tout comme ces épaisses toiles d'araignée qui n'ont rien à envier à ton fin et soyeux poil argenté. Tu sembles gracieuse, svelte. Tu es assurément fine et souple, nageant avec agilité parmi les eaux troubles à la recherches de proies, à peine désavantagée par ton lourd pelage imbibé d'eau. Tes pattes sont fines et musclées, elles te donnent de la hauteur et te rendent plus imposante. Assise, tu te tiens droite, le regard impassible. Tes prunelles parfaites d'un bleu roi étrange sont capables de presque tout. Elles sont capables de chaleur, capables d'indifférence mais incapables d'afficher la moindre tristesse. Les lueurs varient au fond de tes yeux, changeant les expressions de ton parfait visage. Mais d'expérience, c'est l'indifférence qui trônait dans le passé et qui trônera toujours. Comme une obligation perpétuelle.