On lui avait dit qu'il fallait sortir, Petite Nuit était sortit. Il se trouvait juste devant la porte de la pouponnière, presque au soleil, et une fois encore cela n'allait pas aux adultes. Chaque fois que l'un d'entre eux passait pour entrer ou sortir du mûrier, non content d'écraser à moitié le pauvre petit chaton, Petite Nuit se faisait feuler dessus pour dégager le passage. Le chaton aurait bien aimé, mais cela était impossible. Il lui avait déjà fallut user de toutes ses forces pour ramper jusqu'à l'entrée alors que le sol courrait sous ses pattes, maintenant, avec le vent qui s'ajoutait à la vitesse du monde, il craignait de s'envoler.
Le petit avait les griffes solidement plantées dans le sol, il aurait préféré s'y creuser un trou, mais il voyait bien que sa mère en avait assez de devoir lui nettoyer le pelage à chaque fois qu'il faisait cela, d'autant que sur son pelage noir et roux il était bien difficile de repérer la saleté. Petite Nuit avait les yeux solidement fermés. Il attendait que le temps passe bien que cela lui en coûtait. Lorsque le soir viendrait on lui dirait de rentrer et il pourrait à nouveau s'accrocher les pattes dans les fibres de la litière pour retrouver un peu de stabilité. D'ici là, il préférait ne pas voir le monde merveilleux qui vivait sans lui alors qu'il était incapable de bouger.
Sur la grand place, son frère et sa soeur jouaient ensemble sous l'oeil vigilant de leur mère, tout autour d'eux, les guerriers allaient à leurs occupations, se déplaçant sur la Terre mouvante avec autant d'aisance que des oiseaux dans le ciel. La végétation tout autour qui poussait si vite, allait bientôt mourir, le murmure des arbres, le bruit des pierres, la poussière soulevée par d'innombrables pattes... Petite Nuit ne voulait pas les voir. Il en devenait fou de ne pas pouvoir prendre part à ce monde, de ne pouvoir que le contempler en spectateur parce qu'il était incapable de marcher contre le sol.
Une patte lui heurta le dos, encore un visiteur mécontent de sa présence. Petite Nuit fit le dos rond pour ressembler à un rocher. Qu'il l'écrase après tout ! Il n'en avait rien à faire.